Regard de croyant: la Bible et la défense de l'environnement

Publié le 21 Décembre 2015

Regard de croyant: la Bible et la défense de l'environnement

Par le frère Hans-Ulrich Steymans, op, exégète.

Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn 1,28)

Transcription du texte de la vidéo ci-après

La Bible justifie-t-elle l'appropriation violente de la terre par l'homme ?

Le verset de Gn 1,28 est souvent dénommé le « Dominium terrae ». Cela signifie que l’être humain a le droit de dominer la terre.

Dans les années 1960, un historien de l'Eglise, a considéré que ce verset était à l’origine de la responsabilité que le christianisme porte, avec d’autres, dans la pollution de l’environnement et l’exploitation de la terre.

Il est intéressant de constater que cette accusation provenait d’un historien de l’Eglise. En effet, du point de vue de l’histoire de l’Eglise, il est tout à fait exact d’affirmer que l’Eglise lit toujours la Bible dans l’horizon temporel dans lequel elle se trouve. Il est aussi important de souligner que Martin Luther au temps de la Renaissance, au temps des grandes découvertes, au temps des débuts du colonialisme, au XVIe siècle, alors que l’Amérique venait d’être découverte, que les Indiens étaient exterminés, que les Africains étaient réduits en esclavage et déportés en Amérique… en ce temps, Martin Luther traduit ce verset : « que la terre VOUS soit soumise ». Il ajoute donc ce petit pronom personnel « vous » qui ne figure ni dans le texte hébreu, ni dans le texte grec, ni dans le texte latin. Il s’agit donc d’une prise de possession, d’un assujettissement, comme celui qui a consisté à s'approprier l’ile d’Hisponiola et toute l'Amérique du Sud.

Regard de croyant: la Bible et la défense de l'environnement

La Bible pour une juste domination de l'homme sur la terre

Pourtant, le texte biblique ne comporte pas du tout l’idée d’une oppression violente ou d’une prise de possession violente de la terre. Les deux verbes qui sont ici utilisés sont « soumettre » et « dominer ».

Le premier verbe « soumettre » (kabash) est un verbe qui désigne, de manière courante, ce qu’un peuple accomplit quand il prend possession d’un territoire. Il est utilisé dans la Bible pour signifier l’appropriation de la Terre d’Israël. Le verbe revient quand Israël prend possession de la Terre promise. Alors Israël soumet cette Terre comme une terre donnée par Dieu. « Soumettre » désigne aussi ce que font les rois, par exemple David qui soumet les autres nations. Il s’agit donc d’une prérogative royale.

L’autre verbe, « dominer » (radah), a un sens encore plus vaste. « Dominer » désigne ici la domination des rois justes comme David et Salomon. C’est la domination du roi de justice dont le psaume 72 parle en disant : « Dieu donne au fils du roi une juste domination ». Ce mot « radah » peut aussi désigner le rythme donné à une procession pour synchroniser les pas avec la mélodie. C’est une domination qui implique une idée d’harmonie et de cadence.

Les deux verbes signifient donc, dans les récits sacerdotaux de Création, que la terre est mise à disposition de l’homme afin qu’il puisse exercer sur elle une certaine domination, comme on le ferait sur un jardin, sur des plantes dont on s’occupe ou comme on exerce une tutelle sur des servants ou servantes qui travaillent à notre service. C’est ainsi qu’on peut comprendre le rapport de l’homme à la terre.

Il est aussi important de noter que le récit sacerdotal de la Création annonce un monde marqué par la violence. Il est dit par la suite que les êtres vivants ne doivent manger que les plantes de la terre. Ce n’est que plus tard, dans le récit des origines, que la violence s’insinue. Et c’est la raison pour laquelle Dieu Lui-même devient violent et déclenche le Déluge. Le contexte nous montre donc aussi clairement que ce verset de Gn 1,28 ne renvoie pas à l’idée d’une domination violente ou oppressive.

Regard de croyant: la Bible et la défense de l'environnement

On peut encore ajouter une précision grammaticale à propos du deuxième verbe « radah » (dominer). Ce verbe est parfois employé en hébreu avec un objet direct, mais il est plus souvent employé avec la préposition « be ». Or dans le cas que nous étudions, on voit précisément que ce verbe est construit avec la préposition « be » : « exercez une domination SUR la terre », « exercez une domination SUR les animaux ». Ce verbe exprime donc ici la sollicitude de celui qui domine, cette sollicitude du roi qui n’est pas là pour écraser ses sujets, mais qui est responsable du bonheur et de la croissance de ses sujets. L’homme apparaît ainsi comme image du Roi divin, créé à l’image de Dieu. Il peut exercer sa domination sur les animaux, mais dont il doit également en avoir le souci et en porter la responsabilité.

Mais si le verbe radah est utilisé sans la préposition « be », il peut alors signifier écraser avec violence. Les personnes qui ont écrit ce verset étaient attentifs à cette distinction très importante. On le voit en allemand si on dit « je te vois » (ich sehe Dich) ou si on dit « je veille sur toi » ( ich sehe nach Dir), on ne dit pas la même chose. En anglais, on fait aussi la différence entre « to look » ou « to look after ». Il faut donc bien comprendre, dans ce verset, le sens exact du verbe radah. Comme la préposition « be » est mentionnée, on voit qu’il s’agit, dans ce verset, de la domination dans un sens positif, c’est à dire, la domination qu’un chef aurait sur un orchestre ou la domination du roi juste ainsi qu’il est présenté dans le Psaume 72. C’est ainsi que l’homme, créé à l’image du Dieu Souverain, doit ainsi exercer son droit à la domination sur les animaux.