Initiative: aux côtés des détenus en prison

Publié le 8 Mai 2014

Initiative: aux côtés des détenus en prison

Interview du Frère Jean-Laurent Valois, op, aumônier à la maison d’arrêt de Clermont-Ferrand depuis mai 2013.

De l’extérieur, la prison peut faire peur. Comment as-tu abordé tes premiers mois comme aumônier de prison ?

Le monde des détenus est un monde oublié de tous. Autrefois, on envoyait les détenus en Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, c’est toujours la même logique : on essaie de les tenir très loin de notre horizon quotidien. En tant que chrétien et religieux, je ressens comme un appel de rencontrer ces personnes oubliées. Ayant passé dix ans rue de Wattignies à Lille avec le frère Philippe Maillard qui a été longtemps aumônier de prison, j’ai été mis au parfum de ces personnes au banc de la société ! Parfois nous y rencontrions des personnes qui sortaient de prison. Dès le début de mon ministère à Clermont-Ferrand, je n’avais pas peur d’être en contact avec les détenus. Je savais que, même si certains ont commis des actes graves, ce sont d’abord des hommes qui souffrent.

Quelle place Dieu occupe-t-Il en prison ?

Il y a un retour à la foi qui s’effectue dans l’univers de la prison. La prison est un lieu où l’on prie. Il s’agit d’abord de prières secrètes que formulent les détenus, de prières authentiques qui jaillissent de cœurs qui ont besoin de Dieu. Je suis le témoin de tout cela : je constate fréquemment que j’ai été précédé par Dieu quand je visite les détenus ! J’ai accès à toutes les cellules et je suis souvent très bien accueilli, même quand les détenus ne sont pas chrétiens. A Noël, des détenus ont partagé avec moi leur colis. Au début, je ne voulais pas accepter leur offre pour ne pas les priver, mais ils ont insisté et m’ont manifesté leur volonté de m’accueillir ainsi parmi eux.

En prison, le taux de pratique religieuse est inégalable ! Tout le monde n’est pas d’origine chrétienne, mais sur 100 détenus, j’en avais 20 à la dernière messe de Noël. Beaucoup ne pratiquaient pas à l’extérieur. Mais la messe n’est pas juste un moyen de s’occuper : elle s’inscrit dans un chemin que beaucoup vivent à ce moment de leur existence. Ainsi un détenu a commencé à se préparer au baptême, un autre a cheminé vers la première communion. Le regard que ces personnes détenues portent sur l’évangile est aussi très riche, très concret. Par exemple, ce matin, nous avons partagé sur l’évangile du paralytique de la piscine de Bethesda (Jn 5,1-16). C’est un texte que je connaissais et que j’avais étudié. Mais j’ai été interpellé par le fait qu’un détenu ait souligné que le paralytique était malade depuis 38 ans et qu’il n’avait jamais été aidé. Cela rejoignait ce qu’il avait vécu et m’a plongé dans l’Evangile d’une manière particulière. Même s’il est courant de le dire, il est vrai qu’on est évangélisé tout autant qu’on évangélise.

Comment es-tu prédicateur en prison ?

Mon rôle n’est pas de leur faire la morale, mais de leur faire comprendre qu’ils sont aimés de Dieu. Il m’arrive de rencontrer des détenus qui portent des choses très lourdes : beaucoup d’auteurs de violence sont eux-mêmes d’anciennes victimes de violence, beaucoup se rendent compte de l’impasse dans laquelle ils ont été. Ils comptent sur la miséricorde. Je veux leur faire comprendre que quoiqu’ils aient fait, ils sont beaucoup plus que leurs actes et qu’ils pourront repartir. J’essaie de leur montrer aussi qu’ils pourront peut-être bénéficier du pardon de leurs victimes ou de leurs proches, car ne pas pouvoir pardonner empêche de vivre. Grâce à cela, ils peuvent envisager une vie pour aujourd’hui la plus droite possible.

Je crois vraiment que la miséricorde est une des caractéristiques essentielles de la vie dominicaine. Elle consiste à regarder non pas d’abord les grands principes mais la personne, l’homme que l’on a en face de soi. Comme le soulignait le Père Lataste : Dieu ne nous demande pas ce que nous avons été, Il n’est touché que par ce que nous sommes. Le Père Lataste appelait les détenues de Cadillac « mes chères sœurs ». Il a accepté d’entrer dans une relation fraternelle avec les détenues. Dans les relations que j’ai avec les détenus, même si chacun reste bien à sa place, je peux identifier aussi un lien fraternel et, dans une certaine mesure, un lien d’amitié.

As-tu un souvenir particulièrement marquant au contact des détenus ?

A la messe de Noël cette année, nous avons décidé de faire passer l’Enfant-Jésus de la crèche de mains en mains. Chacun pouvait exprimer une intention de prière à haute voix ou la formuler dans son cœur quand il tenait l’Enfant. Nous pensions que cette démarche serait assez rapide, mais les détenus ont pris le temps de vivre ce moment. Pour chacun cela représentait quelque chose de fort. Un détenu m’a dit « on sentait qu’on était en lien avec Jésus et en communion les uns avec les autres ». Je crois qu’il avait vécu ces deux dimensions de la croix : être relié à Dieu et aux autres.

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